SHUGO TOKUMARU
Shugo Tokumaru est une perle de jade au pays du Soleil Levant, à mille lieues des poncifs otaku (fan de mangas) et de la Jpop lookée du moment. Guitariste hors pair, Shugo Tokumaru se révèle être au fil des années un incroyable compositeur-arrangeur. Depuis son premier opus Night Piece en 2004, Shugo a construit un mécano savant fait de pop débridée et ficelée de bonne humeur communicative. Digérant avec malice les influences de ses pairs: Brian Wilson, les Beatles, John Fahey, Magnetic Fields ou encore Sufjan Stevens, son écriture fait le pont avec les comptines enfantines des Pascals, l'univers enchanteur de Mùm et les ruptures jubilatoires de Deerhoof. Ses arrangements utilisent scientifiquement tout un bric à brac d'instruments du plus classique (piano, guitare) aux toys, flute, accordéon, xylophone et autres scies musicales.
Un personnage singulier pour une musique particulière, un seul constat : Shugo rend complètement addict quiconque est confronté à son uvre.
File Under : Sufjan Stevens, John Fahey, The National, les Pascals
ORVAL CARLOS SIBELIUS
Enregistrer la musique la plus lumineuse et conquérante qui soit pour conjurer une mélancolie sans fond. Ça pourrait être une définition de la pop, celle de l'âge d'or, quand The Beach Boys ou The Left Banke s'autorisaient tous les excès orchestraux pour sublimer la force vitale de l'adolescence, tandis que Pink Floyd et The Soft Machine enfonçaient les portes de la perception. Celle vers laquelle revient sans cesse Orval Carlos Sibelius, presque malgré lui. Je cherche à prendre la tangente mais je me retrouve toujours sur le même chemin , avoue-t-il. Dès que je lutte contre moi-même, ça ne donne rien de bon. Dans un monde joyeusement amnésique, où l'injonction à la nouveauté éteint lentement les symboles, c'est à la constance qu'on repère les artistes. Aux obsessions qu'on reconnaît les auteurs. Quand on porte en soi un héritage de mélodies luxuriantes et de vertiges psychédéliques, pourquoi chercher d'autres moyens de se sentir vivant ? Tous les passés sont fertiles, pourvu qu'on les cultive avec un cur d'aujourd'hui.
Pour parvenir à ses fins, Orval Carlos Sibelius a choisi ses musiciens comme le braqueur organise son coup . La batterie, l'un de ses instruments fétiches, est laissée aux bons soins de Basile Ferriot, passé par le postrock et le metal hardcore. La basse arrive entre les mains de l'hyperactif Vincent Mougel (Kidsaredead). Le chevronné Philippe Thiphaine (Heliogable) fait valoir sa science des riffs de guitare acérés. Et pour mettre de l'ordre dans ce mille-feuille sonore - jusqu'à 140 pistes par morceaux, plus que ce que Protools pouvait emmagasiner - Stéphane Laporte (Domotic, Egyptology) partage son oreille éclairée. Pourtant, le patron ne leur a pas lâché la bride : chaque rebondissement, chaque excès, chaque éclat est né dans sa tête et porte le sceau de sa vie intérieure. C'est ainsi que, pour la première fois, il s'autorise à chanter en français, sans pour autant renoncer à cette qualité de la pop qu'il aime, qui n'a pas besoin de littéralité pour être comprise par les tripes. Du singulier au collectif, la translation s'opère par le son des mots et le choc des harmonies, laissant chacun maître de son interprétation.