Françoiz Breut
La musique de Françoiz Breut vient des profondeurs. De quelque chose qui sommeillait en nous. Une part de l’enfance, un bout d’âge adulte. Tout cela tourne comme une ancienne ritournelle soudée à nos pas. Une vie antérieure teintée de modernité. C'est cet alliage de notes électroniques et de phrases synthétiques qui roulent en boucle, comme des vagues à l’âme, qui parfume d’odeurs oubliées nos mémoires. Il y a quelque chose de Proustien chez Françoiz Breut, une mélancolie, le chant d’une sirène, quelque chose de marin, une note salée déposé sur la joue. Du grain blanc sur la peau.
Ne me demande pas comment j’ai pris racine sur tes paves détrempés. Dans Bruxelles Bleuette, il y a là la couleur du territoire et de l’identité, un des points d’ancrage thématique de l’artiste. Dunkerque, Bruxelles, Cherbourg, des villes de pluie, des villes d’eau semblant faire écho à La fille des eaux et à Marie-Lise, qui tourbillonne dans les bals des ports. Une ritournelle humide. Une saudade du Nord. Une saudade pop.
Stéphane Daubersy, à la guitare, accompagne, et participe à l'élaboration de cette musique toujours au bord du ravin. C'est leur deuxième collaboration et Stéphane est devenu un élément clé tant il complète et permet à Françoiz de mettre en musique des ébauches, de mélodie, des fragments de mélodie. Françoiz a toujours travaillé avec des guitaristes. C'est la base de son travail musical. Sur La Chirurgie des sentiments, elle partait d'une mélodie de voix et Stéphane greffait des comptines à partir de samples. Michka Soka est parti de la voix de son fils. C'est un ping-pong, un échange d'idées, ou Stéphane Daubersy fait le travail de mise en place des mélodies dans la longueur. Il apporte son savoir faire de couvreur au toit de Françoiz Breut. Il y a le batteur Shane Aspergen (Berg sans Nipple), qui a apporté son jeu souple et instinctif et Nicolas Laureau (Don Nino) à la production de l'album. Et son frère Fabrice au mix. Ils se connaissent depuis longtemps. Nicolas (Don Nino) a arrangé Werewolf et a apporté une petite touche de-ci de-là. Des idées de production. Fabrice (NLF 3) avait produit le deuxième album de Françoiz.
Au tremblement léger de l’orchestration, la voix cristalline de Françoiz Breut vient équilibrer notre écoute. Il y a cette permanence entre assurance et bricolage, bidouillage musical. Sa musique c’est du chipotage comme on dit à Bruxelles. Ça chipote dans les oreilles. Françoiz ne possède aucune formation classique. Elle est très fière de réussir à "bricoler" des chansons. De les faire monter.
Dans ‘La chirurgie des sentiments’, on oscille toujours entre la fêlure (La fille des eaux, Werewolf) et une euphorie rythmique (La chirurgie des sentiments, Cabinet de curiosités). Une joyeuse nostalgie. Les beaux jours finissent toujours par arriver.
C’est en perpétuel déplacement, de l’enfance à l’âge adulte, ce sont des vies ces chansons. Werewolf, c’est moi pourrait-elle dire. La chanson qui semble assez bien résumer la couleur de cet album est Bruxelles Bleuette, une aventure urbaine, une mélodie comme issu d'un orgue de barbarie et ces petits yep yep yep, autant de cris d'indiens, de paroles libres et sauvages. N'oublions pas les origines normandes de Françoiz.
En son corps sommeille un grand guerrier blond. Une voix indomptée.