Ils sont rares, aujourd’hui, les chanteurs authentiques, les héritiers de la chanson réaliste. Celles et ceux eux qui hantent les cabarets jusqu'au bout de la nuit, subjuguant un public conquis, sans besoin d’artifice : rien qu'une voix, une présence. Brindille est de ceux-là.
Elle ou lui ?
Vous vous interrogez sûrement : « Mais qui est donc cette Brindille ? On ne la voit presque jamais à la télévision, on ne l'entend pas à la radio... »
Mais d’ailleurs, pourquoi parlez-vous de Brindille au féminin ? Par simple méconnaissance de l’artiste. Parce que les medias d'aujourd'hui ne jurent plus que par "télé réalité" (toute cette soupe qu'on nous impose reflète-t-elle la réalité ? Ce serait trop triste !) et petits pousseurs de chansonnettes, sans voix, sans charisme, préfabriqués et formatés, aux titres multimixés pour donner une impression de qualité, toute relative elle aussi.
On ne s'intéresse plus aux vrais artistes comme Brindille qui, en dépit de ce que laisse supposer son nom de scène, est un garçon.
Un garçon, mais aussi un être étrange, énigmatique et qui cultive le mystère. Tout de noir vêtu, d'un noir aussi profond que celui de ses longs cheveux laissés tantôt libres tantôt retenus par un catogan, un trait de khôl pour souligner son regard expressif, un visage presque angélique et des jambes immenses supportant ce corps éternellement gracile, qu'aucune calorie ne semble pouvoir corrompre : "l'autre longue dame brune" est un qualificatif qui lui irait presque comme un gant (ou plutôt comme une de ces mitaines qu'il porte souvent sur scène)… s'il n'y avait la voix. Cette voix qui trahit son physique androgyne, comme pour mieux encore créer la surprise lorsqu'il émet sa première note dès son entrée dans la lumière. Une voix rauque, un brin tabagique : la seule notion de blondeur qui émane de cet ensemble sombre vient de ces "américaines" qu'il savoure du bout de son fume-cigarette mais dont les volutes l'entourent aussitôt d'un halo de grisaille. Pour autant, au-delà de l’apparence visuelle, Brindille est au contraire un être auréolé de lumière. Il distille le bonheur par petites touches, crescendo, parce que ce qu'il a à offrir, son public doit le mériter, être attentif, à l'écoute, pleinement conscient de sa chance d'être là, au nombre des spectateurs. Brindille aime être désiré, ne s'offre pas sans qu'on soit entièrement sous son charme, en totale communion avec son personnage.
Alors l’alchimie produit son effet, la magie s'installe. Brindille, tout en noir devient éblouissant, lumineux et sa voix grave nous transperce, nous transcende, nous transporte, d'interminables frissons nous parcourent l’échine. C'est Marlène qu'on ressuscite. Brindille n'est pas seul en scène, l’artiste est habité, c'est une évidence qui s'impose.
Et jusqu'au bout de la nuit, pour un auditoire définitivement captivé et captif, il va chanter l’amour, la vie, la mort, la tristesse, le spleen. La chanson réaliste retrouve ses lettres de noblesses. Et tant pis s’il ne passe pas à la tété, tant pis si les radios le boudent. Ou tant mieux. Un artiste vrai, authentique tel que Brindille, il faut le mériter !
Julien Weber (Chercheurs d'Art - Le webzine de l'agence HL Media)