Chanson
Apocalypse Café
Hélène Delavault dans un Théâtre-Cabaret européen du Paris-Berlin des années 20
Jeudi 16/05/2019 à 20:30
Le Bal Blomet
33 rue Blomet 75015 Paris
Salle de concert, salle de spectacle (240 places)
Paris 15e arrondissement
Volontaires
20 €Plein Tarif
15 €Tarif réduit (Etudiants, Sans emploi)
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À propos
HÉLÈNE DELAVAULT
ROMAIN DAYEZ
CYRILLE LEHN
Les années 20, « années Folles », sont celles où la désillusion des idéologies s’inscrit aussi dans la contestation des « valeurs » morales et sociétales du XIXe siècle, un temps où la « libération » (du sexe, des sexes, des rapports de classe, et aussi de l’écriture) ne laisse pas de faire naître de nouvelles inquiétudes, même si la France semble prise dans une « frénésie de gaîté ».
« Nous avions gagné la guerre , nous étions sûrs que ce serait la dernière : la vie s’ouvrait devant nous et nous pensions qu’elle serait admirable. Au carrefour Vavin nous rencontrions les grands vivants du monde entier, Cendrars, Hemingway… Partout c’était un bouillonnement de théories artistiques et de confrontations folles. Nous discutions en buvant jusqu’à six heures du matin. C’était une espèce de paradis d’une violence merveilleuse. » (Joseph Kessel)
Le public parisien se déplace de Montmartre à Montparnasse, où se retrouvent les artistes, peintres, poètes, musiciens et chansonniers du monde occidental et délaisse les petits cabarets enfumés pour le music-hall où se développe un genre nouveau : la revue, influencée par le modèle américain qui fait son apparition. Joséphine Baker, en déshabillé de plumes, fait sensation avec ses « deux amours ».
De l’autre côté du Rhin, les années 20 de la république de Weimar voient éclore un nombre impressionnant de cabarets, inspirés par le modèle français, tels le « Schall und Rauch » (Tapage et Fumée) fondé par Max Reinhardt. La chanson de cabaret berlinoise se fait écho de la contestation politique et sociale. Là écrivent, accompagnés par les musiques de Hollaender, Heymann ou Spoliansky, des auteurs comme Klabund, Walter Mehring et surtout Kurt Tucholsky (1890-1935).
Journaliste très engagé dans les luttes sociales et aussi ardent pacifiste, tout en signant pour la revue « Die Weltbühne » (La scène du monde) des centaines d’articles ravageurs contre la défaillance de la Justice, les abus de pouvoir des dirigeants ou ce qu’il voyait ramper du nationalisme qui devait s’incarner dans
le nazisme, Kurt Tucholsky écrivit pour le cabaret quantité de chansons parfois très drôles, parfois bouleversantes, témoignant de sa révolte contre l’absurdité de la guerre, mais aussi de son ironie quant aux clichés sur l’amour et les rapports entre les sexes, ou appelant à la fraternité entre les ennemis d’hier et à la création d’une Europe des peuples libérés de l’oppression des puissances économiques et des militaires.
L’indépendance de sa pensée, qui ne pouvait s’accommoder d’aucune appartenance à quelque parti ou quelque communauté que ce soit, autant que son pacifisme, le feront taxer (comme en un autre temps Heinrich Heine, et comme son aîné français Romain Rolland) de « traître » et d’ « anti-patriote » ! ( Tucholsky partagera le sort de Stefan Zweig, voyant comme lui ses écrits brûlés en 1933, et choisissant la mort en exil en 1935).
« Un raz-de-marée déferle sur la terre. Il n’est pas simplement de nature économique, il ne s’agit pas seulement de boire, de bouffer et de gagner des sous. Il ne s’agit pas seulement de savoir comment on va distribuer les biens économiques de la terre, qui doit travailler et qui doit exploiter. Non, autre chose est en jeu : tout… Où allons-nous ? Il y a longtemps que nous ne sommes plus à la barre, que nous ne gouvernons rien, ne déterminons rien. .. Des spectres, des fantômes titubent autour de nous – n’y touchez pas : ils cèdent, se décomposent, tombent. C’est le crépuscule, et nous ne savons pas lequel : crépuscule du soir ou crépuscule du matin ? » (11 mars 1920)
« Apocalypse Café » met en parallèle chansons françaises et allemandes(en traduction française) de la même période sur les mêmes thèmes (l’argent, le sexe, la politique…), mises en résonance avec des extraits des chroniques de « Die Weltbüne » aussi drôles, parfois, que tristement prophétiques, derniers échos de ce « monde d’hier », et des articles du Canard Enchaînéde la même époque, dont l’impertinence n’ a d’égale que celle de notre Canard contemporain.
Cent ans après la Grande Guerre, dans une Europe contestée par le retour du repli communautaire et nationaliste, il me paraît opportun de réunir sur une même scène ces auteurs de part et d’autre de la frontière qui se retrouvent dans une commune dénonciation.