Concours terminé
Vigie-Pigalle
Parce que le monde ne tourne plus très rond, les Yeux dla Tête ont choisi de mettre un peu d'ordre dans la fourmilière avec leur 3ème album, Liberté Chérie (Fais & Ris/L'Autre Distribution). De chanter cette liberté qu'on ne chérit plus assez en ces temps troublés. Pour la défendre, pas besoin de grands discours ni de tirer la gueule, la bande de Pigalle/Montmartre penche pour la résistance festive, "une façon de dire qu'on ne va pas s'arrêter de vivre, mais que nous ne sommes pas non plus prêts à partir au front tels des soldats. Notre arme, c'est la musique, on tente de propager un esprit de fête, un hymne à la vie. On n'arrivera pas à museler le terrorisme en tapant uniquement dessus, mais en éduquant les gens et en propageant des messages de tolérance", explique Benoît Savard, l'un des deux auteurs-compositeurs du groupe. Après le tour des terrasses, tous en concerts !
Qu'il s'agisse du sort des migrants de Lampedusa, des réfugiés syriens ou des Roms, des dérives identitaires ou des replis sur soi, du machisme ou du culte de l'image, du cynisme ambiant, les Yeux portent un regard à la fois caustique, tendre et acerbe sur leurs contemporains. Le rire côtoie le pire, sans leçon, en chanson. Chanson française ? L'étiquette est réductrice : "A nos débuts, on a senti que certains journalistes ne nous écoutaient pas à cause de notre nom, peut-être pas assez sérieux à leurs yeux, trop chanson française, le côté musique à Marcel...", déplore Guillaume Jousselin, l'autre lame des Yeux. Réplique : dans l'hilarant titre "I don't speak english", le groupe de "pauvres François, dont la seule langue étrangère est le patois" s'imagine en rock star et s'amuse du "cliché du producteur qui te demande de chanter en anglais pour toucher le marché américain", ironise Benoît. S'ils ne rêvent pas en anglais, les titis parisiens cartonnent en Allemagne et écument les salles européennes. Musicalement, la patte des Yeux dla Tête est un mélange de gouaille et de swing (joli clin d'oeil à Django Reinhardt dans "Paris en vélo"), d'énergie rock et de fièvre balkanique. Sans oublier le délire disco-funk sur "Tout ça c'est de ta faute". International, Marcel !
Il est loin le temps où le groupe répétait dans une péniche du bassin de l'arsenal, à la Bastille, il y a dix ans. Enregistré durant l’automne 2015 dans les studios La Seine et Davout par Laurent Jais, les Yeux ont affiné le propos. Leurs titres n'ont plus à rien à voir avec des "chansons de rue", schématise Benoît, mais suivent un canevas délicat, un travail de composition et d'arrangement précis au service des musiciens, à l'image de "Kezta", l'habituel instru balkan-hips, mais, ici, à la mise en place carrée, malgré son côté cour de récré. Les Yeux dla Tête voient plus loin.