Ne vous fiez pas à son apparence, l'ex-kid de Philly boxe dans la catégorie des poids lourds du songwriting. Avec ses cheveux longs et gras, son style slacker débraillé et sa nonchalance vaporeuse, ce Kurt n'est pas sans rappeler une autre étoile filante. Bien moins colérique et grunge que la star de Seattle, mais non moins brillante. Lui a largement dépassé la trentaine et enfilé les albums comme des perles, depuis ses débuts au sein du groupe The War on Drugs jusqu'à son sixième album solo, "B'lieve I'm goin down" (sorti fin 2015 chez Beggars). Plus à l'aise que jamais dans ses chemises en jean de cowboy-rockeur no format, de flingueur d'orgue Farfisa, de guitar lap-steel et de banjo, Kurt a composé, affalé dans son canapé, une audacieuse fresque de l'ouest américain, voire la nouvelle bande-son de la scène indie-folk. Une virée le long des rails, chère à ce fils de conducteur de train, patriarche d'une famille de dix rejetons. Gamin, Kurt rêve de jouer les hobos, ces clochards célestes d'une Amérique sans frontières. Comme ces vagabonds, Kurt la traverse par l'imaginaire, au son du delta blues de Charley Patton, du folk de John Fahey et du bluegrass de Doc Watson. Sous ses airs de feignasse, la fausse marmotte et vraie mascotte de Matador Records ne tombe jamais dans la facilité ni la redite. Contrairement à beaucoup de gratteux de bois actuels, singeant le grand songbook américain, lui préfère dépoussiérer le répertoire à grand coups de guitares laid-back et d'arpèges en open-tuning, le tout balancé en une prise, style lo-fi plutôt que vintage. Plus hypnotique que cotonneux, le Kurt.
08/03/2016 – L'Alhambra - Théâtre Music-Hall Paris 10