Bror aux mains d’or contre Edouard aux mains d’argent... En matière de personnage, il y a match. Le compositeur et guitariste suédois dépoussière le répertoire blues sans renier ses origines. Il baigne dans la musique depuis son enfance grâce à un père contrebassiste et un grand-père accordéoniste. Des ancêtres de cœur aussi, puisqu’il découvre très tôt John Lee Hooker, Howlin’ Wolf ou Muddy Waters. Repéré par le label français Normandeep Blues Records, Bror partage son univers blues contemporain dans son deuxième album, "Noam Snake Noam", sorti en 2012. Rythmes lancinants et guitares rugueuses presque autant que sa voix, le one-man-band pourrait jouer la bande-son d’un vieux film d'horreur de la Hammer. En parlant de cinéma, le titre de son dernier album rappelle l’excellent "Black Snake Moan" de Craig Brewer, dans lequel Samuel L. Jackson joue un ex-bluesman piégé par la routine. La routine, Bror l’envoie valser dans une ambiance de freak show avec ses "moan" ("gémissements") désespérés. Décidément attiré par un monde fantastique, ses textes racontent des histoires tragiques comme celle d’un meurtrier qui finit par se pendre ou celle du boxeur en fin de carrière de "Pulp Fiction" (Bruce Willis). A quand la B.O. d’un Tim Burton ?
Pantalon trop court, bretelles et mèche rebelle, le dandy au teint blême débarque timidement sur scène. Pas besoin de pleine lune pour que le lycanthrope se métamorphose en homme-orchestre. Rituel étrange : il enlève ses chaussures, assume ses chaussettes rayées et se lance dans un set en solo, jouant de la guitare et de la grosse caisse en même temps. En studio, c'est un autre homme, une autre bête. Toujours novateur, le Suédois rajoute des complaintes de violoncelles, des nappes d’orgue et des soufflantes jazz de saxophone. Entre compositions et clins d'œil, Bror assume ses influences de Charley Patton, Lightnin’ Hopkins ou Brother Claude Ely, dont il reprend le titre "Ain’t no grave". A même pas trente ans, le louveteau-garou, qui a reçu le prix "coup de cœur" décerné par l’académie Charles Cros en 2014, n'a pas fini de nous envoûter avec ses "shuffles" hypnotiques. Le bon, la brute, le Bror.